Pot de peinture en effervéscence

Enfin. Enfin faire quelque chose de ses mains. Dès que Gouache se leva, Moira lui donna un coup de main pour débarrasser et nettoyer la table, se permettant de lancer un regard de reproches à l'homme qui se faisait servir. Il avait intérêt à être efficace celui-là.

Elle alla ensuite immédiatement s'occuper de la décoration du bar, ce qui laisserait le temps à leur hôte de s'assurer qu'elle arrangerait les choses comme elle le désirait.

Kosan n'avait pas encore soulevé son derrière de sa chaise qu'elle allait déjà réquisitionner le marteau qu'elle avait aperçu, ainsi qu'une boite de conserve remplie de clous dépareillés.

Elle posa les petites portes contre le bar, puis les arrangea les unes à côté des autres, certaines décalées, étant plus petites, puis elle se recula pour avoir une vue d'ensemble. Cela lui faisait l'effet d'un patchwork. Elle aimait bien ce petit côté rafistolé mi-art déco mi-récupération.

Le marteau était lourd pour sa poigne, mais elle ferait son possible pour planter les clous droits.

Tap tap tap tap tap tout précautionneux lorsqu'elle commença à fixer les premiers éléments, puis se souleva un peu par dessus le bar pour voir où en était l'homme, n'avait-il pas trouvé de choses dangereuses à faire que soudain le dernier "tap" ne fit pas le même bruit que les précédents.

Le temps de comprendre pourquoi, elle avait déjà lâché le marteau pour se tenir le doigt, le visage crispé, sentant que son doigt devait avoir doublé de volume en moins d'une seconde. Sans qu'elle ne puisse rien faire, quelques petites larmes de douleur vinrent s'échapper de ses yeux, qu'elle essuya d'un geste rageur avec sa manche, et par rancune contre sa maladresse à moins que ce ne fut pour exorciser la douleur, frappa avec son poing du plus fort qu'elle le pouvait le bar, celui-ci émettant un vieux craquement à l'impact. A moins que ce ne fut sa main. Toujours est-il que la douleur l'irradia jusqu'au coude, en un mouvement de repli sur elle-même elle absorba les signaux de son corps qui lui indiquaient que quelque chose n'allait pas.

Elle a le bras en feu, chaque petit mouvement lui cause une peine cuisante ... mais cette douleur n'est rien comparée à ce qu'elle a pu déjà subir. D'ailleurs ... elle est effrayée par cette dernière pensée : retrouver un morceau de cette douleur oubliée, c'est comme revenir dans le passé. Amertume, souvenirs, *CES PUTAINS DE SALAUDS* !

Elle n'est pas seule, il faut qu'elle se reprenne et n'y pense plus. Elle s'affaisse un peu face à la femme qui s'occupe d'elle, son sourire, ses gestes doux sont apaisants. Et puis la question de la tavernière la fait se crisper, de quoi déclencher des frissons de douleur. Elle n'a pourtant rien dit.

Elle ne veut pas la regarder et fixe le sol, n'osant lui répondre par l'affirmative. Cela se verrait-il tant que ça ? Elle fait pourtant bien attention de rester neutre autant qu'elle le peut, pourtant, elle ne peut s'empêcher parfois, elle le sent bien, d'avoir des moments de recul teintés d'une grande frayeur.

Elle se sentait tant en confiance tout à l'heure, qu'elle n'a pas du se rendre compte. A moins que ce ne fut la colère qui l'égara un bref instant, le temps de dévoiler ses véritables sentiments.

C'est comme si le baume faisait déjà effet, elle ne sent déjà plus rien tant elle sent sa tête déchirée par ce qu'elle entend. Elle a envie de partir d'ici, de fuir encore et toujours comme elle a fait, tant elle ne peut plus supporter d'être impuissante. Des points lumineux dansent devant ses yeux. Pourquoi lui rappeler ce qui chaque jour la révolte ? Et d'ailleurs, pourquoi elle a-t-elle l'impression que le plafond vient à sa rencontre ?